A.B.C.M. Zweisprachigkeit a pour but « d’offrir à tous les parents qui en expriment la volonté, la possibilité de faire bénéficier leurs enfants d’une éducation bilingue régionale dès leur plus jeune âge : français-langue régionale d’Alsace et Moselle ».
L’objectif recherché est « en fin de scolarité une maîtrise écrite et orale des deux langues, c’est-à-dire tout simplement d’être bilingue ».
Par langue régionale d’Alsace et de Moselle, il faut entendre l’allemand à la fois sous sa forme standard et sous ses formes dialectales (dialectes franciques et alémaniques de la région)
- Association reconnue par les Inspections d’Académie des Hauts-et-Bas-Rhin comme association de parents d’élèves
- Tomi Ungerer, Président d’Honneur
- Richard Weiss, Président fondateur
Association soutenue par le Conseil régional d’Alsace, par les Conseil général des Bas-et-Haut-Rhin, par la ville de Sarreguemines ainsi que par les communes d’implantation des sites bilingues.
Contenu
1.1. Un aiguillon pour l’enseignement bilingue en Alsace et en Moselle
Créée en 1991, les écoles A.B.C.M. Zweisprachigkeit font partie d’un réseau d’écoles associatives gérées par l’Association pour le Bilinguisme en Classe dès la Maternelle, A.B.C.M. Zweisprachigkeit. Tomi Ungerer, artiste alsacien de renommée internationale, s’est associé à l’action d’A.B.C.M. Zweisprachigkeit, en dessinant le sigle de l’association et en acceptant la présidence d’honneur. Précurseur de l’enseignement bilingue en Alsace et en Moselle, A.B.C.M. Zweisprachigkeit emploie aujourd’hui plus de 100 salariés et accueille dans ses 11 écoles plus de 1200 élèves âgés de 3 ans à 11 ans. La création des écoles A.B.C.M. Zweisprachigkeit a joué le rôle d’aiguillon indispensable au démarrage et au développement de l’enseignement bilingue public en Alsace. A.B.CM. Zweisprachigkeit milite pour l’ouverture d’un nombre suffisant de classes bilingues donnant la possibilité à tous les parents qui le souhaitent de donner à leurs enfants un enseignement bilingue, même en zone rurale.
1.2. Une pédagogie ambitieuse
A.B.C.M. Zweisprachigkeit a développé sa propre pédagogie, qui lui permet d’atteindre les objectifs suivants :
- Utiliser la langue régionale comme vecteur de communication dans le cadre scolaire et périscolaire.
- Appréhender la culture régionale et s’ouvrir ainsi à deux univers donc à deux cultures au sein du bassin rhénan, entre Vosges et Forêt Noire, dans un contexte européen.
- Acquérir un niveau de compétences égales dans les deux langues qui permettent aux enfants de parler, lire, écrire et s’amuser dans les deux langues.
1.3. Des préceptes et des moyens novateurs
En vue d’atteindre ces objectifs, A.B.C.M. Zweisprachigkeit a mis en oeuvre les préceptes et moyens suivants :
- Scolariser les enfants en classe immersive dès l’âge de trois ans.
- Construire sans jamais traduire une deuxième langue maternelle.
- S’assurer qu’il y ait dans chaque classe un référent pour la langue régionale.
- Privilégier une pédagogie active qui éveille la curiosité et suscite l’envie d’apprendre.
Notre objectif est d’offrir aux enfants un véritable bilinguisme et donc de réhabiliter notre langue régionale dans son rôle de vecteur de communication ordinaire sans hiérarchisation des langues.
Les trois concepts sur lesquels repose l’enseignement des écoles A.B.C.M. Zweisprachigkeit sont :
- la définition de la langue régionale
- la notion de Bilinguisme non hiérarchisé et à parité de compétence
- la logique de la précocité et la durée d’exposition
a) La définition de notre langue régionale
Notre langue régionale est souvent désignée par le mot « Alsacien ». Cette définition, apparue dans l’immédiat après-guerre, caractérise notre langue régionale par rapport à un espace géographique. Cet espace est grossièrement défini par les deux départements du Bas Rhin et du Haut Rhin auquel on associe parfois le « Platt ou Mosellan» du département de la Moselle. Nous préférons une définition plus linguistique qui donne à notre langue régionale une dimension internationale, ne se limitant pas aux frontières administratives des départements français. Car la langue régionale est en fait constituée de deux grands dialectes allemands que sont l’alémanique et le francique. Ces deux dialectes sont également parlés en Suisse et dans le Bade-Wurtemberg pour l’alémanique, et dans le Palatinat et la Sarre en ce qui concerne le francique. Pour mémoire, rappelons que les douze grands dialectes allemands, dont l’alémanique et le francique font partie, ont été formalisés sous forme écrite en 1532 – en grande partie grâce à la traduction de la Bible par Martin Luther. Cette formalisation était désignée par le terme « Schriftdeutsch » qui est devenu « Hochdeutsch », communément appelé « allemand standard ». De nos jours, l’allemand standard sert de langue véhiculaire suprarégionale débordant les frontières de l’Allemagne réunifiée. Cette définition de l’allemand standard se rapproche du mot « Elsaesserditsch » ou son raccourci « Ditsch » , couramment employé en Alsace durant la première moitié du XXe siècle. En résumé : nos grands-parents s’exprimaient oralement « uf Elsasserditsch » et écrivaient en « Hochdeutsch », l’écriture en langue dialectale étant réservé au théâtre et à la poésie. Cette définition est citée dans l’article 2 des statuts d’A.B.C.M. Zweisprachigkeit : « Par langue régionale d’Alsace et de Moselle, il faut entendre l’Allemand à la fois sous sa forme standard et sous ses formes dialectales (dialectes franciques et alémaniques de la région) » (1) Notre langue régionale est donc bel et bien de l’allemand, à la fois sous sa forme standard et sa forme dialectale très étroitement associée à une culture régionale forte.
b) La notion de Bilinguisme non hiérarchisé et à parité de compétence
Peut-on imaginer la langue française dissociée de son histoire et de sa culture ? Citons pour exemple la présence de très nombreuses lettres muettes en français et d’innombrables expressions faisant partie de la façon d’écrire et de parler dans les sphères du monde francophone. Ainsi le fait d’écrire le mot « alor » sans « s » (sous une forme strictement phonétique) est choquant pour la majorité des français et son absence contribuerait à la suppression de la dimension culturelle de la langue française. Dans ce cas de figure ce « s », lettre muette, constitue une difficulté pour les enfants en situation d’apprentissage de la lecture et de l’écriture du français. Ces particularités datent en partie du XIIe siècle, à une époque où le français était encore un dialecte. De même, exclure un certain nombre d’expressions telles que « se mettre sur son trente et un » ou « une vérité de la Palice », expressions datant du 15e siècle, serait à considérer, à juste titre, comme impensable pour la richesse culturelle de la langue française. Habitués à ces particularismes depuis leur plus jeune âge, les locuteurs français ont fini par les ressentir comme « naturels ». De la même manière notre langue régionale ne peut pas non plus être dissociée de son histoire et de sa culture. Dans le cadre de la définition de la langue régionale citée plus haut, l’apprentissage de l’allemand standard, notamment écrit, constitue un support indispensable à la bonne maîtrise de notre langue dialectale. Il est regrettable que des expressions telles que « S’ Elsass » qui apparaît sur certains supports médiatiques ne respecte pas les règles élémentaires de grammaire et d’orthographe de la langue allemande, l’apostrophe y étant utilisée « à la française » et non tel comme il se doit en tant qu’élément remplaçant des lettres contractées ou disparues, à savoir « Das Elsass » contracté en « ‘s Elsass ». Ce « s » ne représente pas un élément de liaison entre deux mots, tel que couramment utilisé en français, mais le déterminant « das » contracté en « es », lui-même réduit à « ‘s ». Durant la deuxième moitié du XXe siècle les événements de la seconde guerre mondiale ont développé des tensions négatives et provoqué un phénomène d’autocensure au sein des familles de notre région, qui tendent à ne plus transmettre la langue régionale à leurs enfants. La nouvelle génération s’exprime beaucoup plus difficilement en « alsacien » et ne sait, en grande partie, plus écrire correctement l’allemand standard.
Il est donc primordial de veiller à une acquisition équilibrée des deux langues, dans le cadre d’un bilinguisme apaisé, et de favoriser un bilinguisme culturel plutôt qu’un bilinguisme fonctionnel. Le bilinguisme fonctionnel se contente d’une simple technique de traduction de la langue dite dominante vers la langue dite seconde et conforte improprement l’idée que l’allemand standard est une langue étrangère en Alsace. Un bilinguisme culturel vise avant tout une parité de compétence et une non hiérarchisation des langues. L’emploi de consignes de sécurité exclusivement en français dans une grande majorité d’écoles bilingues en Alsace illustre bien ce problème de hiérarchisation.
c) La logique de la précocité et de la durée d’exposition
Pour atteindre cet objectif de parité de compétence, ce sont la précocité et la durée d’exposition à la langue qui constituent le secret d’un bilinguisme réussi, l’acquisition naturelle d’une langue étant optimale entre 0 et 6 ans. Mais il convient de distinguer l’acquisition naturelle d’une langue de l’apprentissage artificiel en milieu scolaire. En effet l’acquisition naturelle d’une langue se pratique en contexte immersif où l’interaction verbale est focalisée sur le sens de l’échange. Pendant les deux premières années de sa vie, un petit enfant consacre un effort considérable à l’apprentissage des mots et des expressions de sa langue maternelle. Dès l’âge de 9-10 mois, l’enfant incite son entourage à nommer les entités et les phénomènes de son environnement en pointant. Le « pourquoi ? » récurrent des enfants de 2-3 ans suscite toutes sortes de commentaires qui permettent à l’enfant de comprendre les rapports entre les choses et le monde, mais aussi entre les mots qui le nomment. Dès les premières semaines de vie, le nourrisson fixe, de façon très attentive, la bouche de ses parents, ce qui lui permet d’apprendre très rapidement l’association entre telle position de la bouche et tel son langagier. En général, nous ne sommes pas conscients des règles des langues que nous avons acquises. Nous ressentons de manière intuitive ce qui est d’usage correct ou non. L’apprentissage, à partir de l’école élémentaire, vise une formalisation écrite de ces règles implicites, par un processus conscient qui implique une démarche planifiée en milieu scolaire, où l’on utilise les règles explicites de la langue. L’apprentissage, qui demande un effort attentionnel de la part de celui qui apprend, se réduit au processus par lequel la capacité langagière est le résultat d’une démarche planifiée dans le contexte scolaire. Le rapport entre la mémorisation des « règles de grammaire » que les élèves mémorisent en classe et la difficulté à les mettre en œuvre lors de l’interaction communicative souligne l’intérêt de l’acquisition. L’acquisition naturelle, en effet, est un processus inconscient, spontané et naturel. C’est par mimétisme et intuition que tous les enfants, quel que soit leur milieu social ou leurs ressources cognitives, vont accéder à une capacité langagière à un stade de compétence plus ou moins étendu qui ne dépendra que de la quantité et de la qualité de l’exposition à la langue.
Sans le « système acquis » qui détermine l’aisance productive, l’individu ne dispose pas d’un réseau d’informations et de routines linguistiques lui permettant l’activation « directe et en une seule étape » du sens lié aux sons qu’il entend ou de la mise en forme des idées qu’il cherche à exprimer. Il doit fournir un effort pour reconnaître mots et expressions, les articuler, les conjuguer ou décliner, les agencer ou les mettre en rapport. Sa capacité attentionnelle sera saturée par ces opérations formelles, et il devra en même temps lutter contre l’activation automatique des systèmes langagiers de la langue dominante. L’application concertée, par exemple, d’une « règle » de grammaire lors de la production illustre un processus qui n’a rien à voir avec une production automatique rapide et sans effort attentionnel. Cette exposition directe au texte ou participation à des actes de communication est due à l’ensemble des locuteurs présents dans l’environnement immédiat de l’enfant, et non pas seulement à la présence de l’enseignante en salle de classe. Un enfant partage son temps d’éveil au sein de sa vie familiale, dans le milieu social et à l’école. Il en résulte que la parité horaire nécessaire à l’acquisition naturelle des deux langues ne peut, dans beaucoup de cas, se contenter d’une simple parité horaire à l’école. En effet, cette parité horaire ne garantit pas une parité de compétence linguistique, vu la prédominance et l’omniprésence de la langue française dans la très grande majorité des familles. Le contexte de ce processus d’acquisition ne tient pas compte des normes grammaticales mais privilégie une approche communicative ou méthode audio-orale. La méthode d’enseignement immersif doit allier des situations d’apprentissage à des émotions et du vécu, et donc adopter une pédagogie active. Cette première étape est incontournable. Pour engager un cursus bilingue à l’école élémentaire et donc une formalisation écrite des deux langues, les compétences de l’oralité de la langue seconde doivent impérativement être équivalentes aux compétences de la langue maternelle avant la fin de la première année de l’école élémentaire, le CP. L’exposition à la langue entre 0 et 6 ans, nécessaire à une acquisition naturelle de la langue seconde, accuse donc un retard de 3 ans lorsque les enfants arrivent à l’école maternelle. Les écoles A.B.C.M. Zweisprachigkeit adoptent donc logiquement un enseignement en immersion compensatoire qui peut corriger, en partie, ce manque d’exposition à la langue dite seconde. L’organisation des écoles maternelles en triple niveaux permet, de plus, d’optimiser par effet de fratrie le temps de pratique de la langue seconde.
L’école maternelle privilégie par nature un contact chaleureux et rassurant entre enseignant et enfants. Seul un maître de référence strictement germanophone est capable de motiver et de stimuler les enfants pour une pratique effective de la langue et atteindre ainsi les objectifs d’une parité de compétence dans les deux langues. L’apprentissage de la lecture et de l’écriture qui utilise exclusivement les règles explicites de la langue sans les prérequis de l’oralité de la langue est très difficile. La distinction acquisition-apprentissage est sans doute le plus fondamental des principes Qui ne connaît pas, le « truc » ou la règle de substitution pour distinguer la finale « é » ou « er » dans la phrase « voulez-vous chanter » en remplaçant le verbe chanter par un verbe du troisième groupe ? Elle exploite de façon très simple et très efficace des connaissances qui se réfèrent à l’acquisition orale et inconsciente de la langue. La langue allemande est une langue que l’on peut qualifier de transparente à l’écrit, car la très grande majorité des lettres prononcées à l’oral sont écrites. Chaque lettre se prononce, les lettres muettes sont inexistantes, et il n’existe pas de combinaisons vocaliques (ai/ei/oi/ou/au/eau) ou nasales (on/an/in/en). Cette vertu facilite l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, c’est pourquoi il est beaucoup plus judicieux de débuter ces apprentissages en allemand et non en français. Le choix de l’allemand en tant que première langue d’apprentissage est donc beaucoup plus logique, en apparentant par la suite les lettres muettes françaises et ses combinaisons spécifiques (cf ci-dessus) à des cas particuliers. Les conditions de réussite d’une acquisition linguistique précoce peuvent raisonnablement être énoncées de la façon suivante : Un enfant apprend naturellement à parler entre 0 et 6 ans en suivant la trilogie phonèmes-mots-phrases. Les phonèmes sont les sons de base d’une langue donnée, les mots sont des juxtapositions de phonèmes et les phrases forment des ordonnancements de mots liés par la syntaxe. Pour que l’apprentissage soit naturel il faut en moyenne deux heures de pratique par jour, tous les jours de l’année. C’est entre 0 et 6 ans que nous prenons l’essentiel de nos décisions de vie qui animent notre existence d’adulte. C’est aussi à cet âge que parler, crier et chanter une langue, en faisant vibrer tout notre être, détermine notre attachement à cette langue.
En résumé
- C’est entre 0 et 6 ans qu’on apprend à parler et à aimer naturellement une ou deux langues.
- C’est après l’acquisition de l’oral à la fin de la sixième année de vie que l’on formalise « artificiellement » par écrit une langue grâce à l’école.
- Ce cheminement est le seul capable de garantir un véritable bilinguisme pour le plus grand nombre.
- Offrir le bilinguisme à un enfant dès 2 ans c’est lui offrir un cadeau pour la vie qu’on ne pourra plus jamais lui offrir plus tard.
- Une langue est indissociable de la culture qui lui est associée.
- L’apprentissage d’une deuxième langue c’est donc être bilingue et biculturel.
- Ces enfants, ouverts aux langues et aux cultures, construiront l’Europe de demain.
- La réussite d’un bilinguisme effectif nécessite un enseignement qui associe langue, culture et histoire.
- On ne peut pas aimer ce qu’on ne connaît pas.
Comme nous l’avons déjà dit, la langue ne peut être dissociée de sa culture. L’histoire régionale fait partie intégrante de cette culture, mais son enseignement est totalement absent des programmes officiels français de l’école élémentaire jusqu’en fin de collège. De plus, l’histoire de l’Allemagne intégrée dans ces mêmes programmes ne comporte que la période nazie (à l’exception des monuments « wilhelmiens » de Strasbourg et d’Otto von Bismarck) et ses heures les plus sombres… De toute évidence l’enseignement institutionnel doit être repensé, tant pour la méthode d’acquisition linguistique que pour les contenus culturels.
« Portant l’altérité en eux-mêmes, ils ont une attitude ouverte envers d’autres cultures et modes de pensée ». Ce sont ces modes de pensée qui font que l’on conçoit que ce qui est différent n’est pas forcément mauvais, mais au contraire enrichissant et finalement beaucoup plus complémentaire qu’opposé. »
Jean PETIT, Psycholinguiste, professeur émérite aux Universités de Reims et de Constance et à l’Institut Supérieur des Langues Régionales de la République Française (I.S.L.R.F.) (✝ 2003) Jean PETIT, qui nous a quitté en 2003, était conseiller et formateur pour les premières classes A.B.C.M. Zweisprachigkeit en Alsace et en Moselle. Notre pédagogie s’appuie sur ses concepts et pensées.