Le soutien de Tomi Ungerer pour la création de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit !
Avec la mort de Tomi UNGERER, Président d’honneur de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit, Association pour le Bilinguisme en Classe dès la Maternelle, les enfants d’Alsace et de Moselle se retrouvent tous un peu orphelins aujourd’hui !
Le Président fondateur des écoles A.B.C.M. Zweisprachigkeit, Richard WEISS, nous raconte comment ont pu être ouvertes les premières classes A.B.C.M. Zweisprachigkeit en 1991 dans les communes de Lutterbach, Ingersheim et Saverne et comment ont pu se mettre en place les classes bilingues en Alsace.
« En 1990, nous étions 30 parents de l’école maternelle « Les Géraniums » de Colmar à demander au rectorat de Strasbourg l’application des circulaires ministérielles, et en particulier, un enseignement bilingue effectif dans l’Education Nationale, enseignement qui avait déjà fait ses preuves dans le service public en Bretagne, Catalogne, Occitanie et Pays Basque. L’un d’entre nous prit sa plus belle plume (c’était bien avant internet et les médias sociaux) pour demander de l’aide à Tomi UNGERER et pour lui proposer de prendre la présidence d’honneur de cette association de parents d’élèves qui est devenue très rapidement notre A.B.C.M.-Zweisprachigkeit.
Il faut savoir que Tomi UNGERER était à l’époque le symbole d’une Alsace ouverte sur le monde, l’artiste alsacien vivant et libre le plus célèbre au monde, sans que l’on sache ailleurs en France qu’il était Français et Alsacien … tout comme le Dr Albert SCHWEITZER à son époque.
Il avait grandi à Logelbach et fréquenté puis fui, sans le bac, un lycée de Colmar où il s’était fait remarquer parce qu’en classe, il parlait – et incitait ses camarades à parler – l’alsacien, leur langue maternelle. Il a reçu le » Grand Prix de l’Illustration pour livres d’enfants » au Festival de Montreuil, a été fait « Chevalier des Arts et Lettres » par Jack LANG, ministre de la Culture et de l’Education nationale, a été nommé « Ambassadeur de l’enfance auprès du Conseil de l’Europe » à Strasbourg et reçu beaucoup d’autres distinctions.
Il avait quitté l’Alsace et la France car il ne trouvait pas normal que Paris nomme préfet « quelqu’un qui ne parle pas la langue du pays », puis était revenu pour écrire ses chefs d’oeuvre « Elsässische Volkslieder », « Die 3 Räuber », « Der Mann im Mond » et mon préféré « FLIX » qui, au travers d’une histoire entre chat et chien, met en avant la différence et prouve que le métissage, et donc notre double culture alsacienne, n’est pas une abomination mais une source de richesses culturelles et d’épanouissement.
C’est lui qui décida d’inviter les journalistes de la presse « régionale, nationale et internationale » au Restaurant ‘S STRISSEL à Strasbourg, en 1990, à la veille de la Saint-Nicolas, pour annoncer que « vu un problème de constipation rectorale » (sic) il « passait à l’action directe et donnait un mois au recteur pour obtempérer, sinon… »
Il faut savoir qu’il avait exactement le même projet que nous, parents, et avait naïvement proposé au recteur de prendre une mesure très simple – et dont on parle encore aujourd’hui, vu le prétexte du manque d’enseignants formés – à savoir de procéder à des échanges de services entre instituteurs du Pays de Bade et du Palatinat qui assureraient à mi-temps des cours d’allemand en Alsace et seraient remplacés sur leur lieu de travail par des instituteurs alsaciens qui y enseigneraient le français.
Il nous déclara que le recteur l’avait littéralement promené en bateau pendant des mois, ce qui fait que nous tombions à pic ! Et grâce à lui, avec le soutien financier et politique unanime de la Région ALSACE et des Conseils Généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, ouvrirent les 3 premières classes A.B.C.M. Zweisprachigkeit libres, à Ingersheim, Lutterbach et Saverne !
Richard WEISS devint président de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit, Jacqueline HERRGOTT et Patrick KLEINCLAUS en devinrent vice-présidents.
L’année suivante, quand Mme le Préfet BLANC attaqua Pierre MEYER, maire de Pulversheim, au tribunal administratif pour avoir autorisé A.B.C.M. Zweisprachigkeit à ouvrir, déjà, une 4ème école bilingue paritaire associative dans des locaux municipaux dont l’inspecteur disait n’avoir plus besoin, Tomi se présenta, entouré entre autres par André BORD, ancien ministre du Général de Gaulle, et du sénateur Henri GOETSCHY, Président du Haut-comité pour le Bilinguisme en Alsace/Moselle pour « faire pipi là où c’est interdit » (sic).
Il faut savoir que, d’après la justice, les enfants monolingues et bilingues auraient dû utiliser des parties de la cour de récréation et des toilettes… distinctes, « un cas d’entrave à l’intelligence et à la liberté d’enseignement ». Il se fit photographier tandis que le maire déclarait à la FAZ, Frankfurter Allgemeine Zeitung, « Und wenn es sein muss, gehe ich ins Gefängnis! »
Nous ne sûmes que plus tard que l’incident avait provoqué des « échanges » entre Berlin et Paris, puis de Jacques DELORS, à l’époque Président de la Commission européenne (on était à la veille du référendum de Maastricht!) et tout rentra dans l’ordre puisque nos enseignantes « privées » furent embauchées par le même inspecteur… et les enfants devinrent bilingues !
Le nouveau recteur, Jean-Paul DE GAUDEMAR, qui n’avait pas d’idées préconçues, obtempéra et c’est à partir de ce moment que l’Education Nationale se mit à suivre un mouvement qu’elle aurait en réalité dû précéder (et traiter nos enfants comme les autres enfants de régions bilingues).
Sans Tomi UNGERER, qui était toujours resté un grand enfant, il n’y aurait aujourd’hui certainement encore aucun enseignement bilingue digne de ce nom ni dans le public ni dans le privé associatif ou confessionnel en Alsace/Moselle ! »
L’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit a adopté comme logo le dessin fait par Tomi UNGERER à main levée lors d’une conférence de presse dans les années 1990. Deux couleurs seulement ont été utilisées, le noir et le rose. Il a signé son œuvre par son prénom, signe sans doute de son attachement viscéral à la cause du bilinguisme. Le dessin a été repris tel quel par A.B.C.M. Zweisprachigkeit. Le dessin original a été détourné à plusieurs reprises, tantôt on lui a rajouté un béret, tantôt on a colorié les glaces aux couleurs des drapeaux allemand et français alors que Tomi n’avait mis aucune connotation nationale sur ce dessin. Le dessin original est joint à ce courrier.
Richard WEISS, Président-fondateur de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit
Karine SARBACHER, Présidente de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit
ORIGINAL DESSINE PAR TOMI UNGERER au cours d’une conférence de presse en 1990 pour la création de l’association A.B.C.M. Zweisprachigkeit