Le Bilinguisme : Un Atout Éducatif (2/7)

12 mai 2010
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La précocité

On ne peut plus ignorer depuis les avancées décisives des neurosciences qu’il existe une période privilégiée dans une vie humaine pour la construction du langage; que le langage peut se construire à la faveur d’un code, de deux codes, voire même de trois codes si les conditions sont données, que cette période ultra-favorable ne se présente qu’une fois dans une vie et qu’elle s’achève vers les sept ans (âge moyen) avec la stabilisation synaptique.
C’est à cette période dans la vie d’un écolier que se situe la fin de vie des neurones qui n’ont pas été sollicités par une quelconque activité ou expérience ou mémorisation ou acquisition avant cet âge. Cette espèce de sclérose infantile n’a rien de pathologique: c’est le processus normal et le rythme normal de développement du cerveau et en particulier des centres nerveux du langage.

Mais cela ne veut pas dire que l’apprentissage d’autres langues n’est plus possible après cet âge. On parle alors non plus d’acquisition mais d’apprentissage, d’apprentissage scolaire guidé par un enseignant.

L’imagerie médicale la plus récente, l’IRMF (Imagerie à Résonance Magnétique Fonctionnelle)– on peut se référer ici entre autres aux travaux du Max Plank Institut de Leipzig et du Laboratoire d’ IRM fonctionnelle de l’hôpital Memorial Sloan-Kettering de New York, ainsi qu’aux excellents livres du regretté Jean PETIT ce germaniste et psycholinguiste qui a tant pour faire progresser la cause du bilinguisme – révèle que nous construisons trois zones principales dans l’acquisition du langage :

  • l’aire de Wernicke pour tout ce qui relève du sens, du vocabulaire et de son stockage;
  • l’aire de Broca pour l’ensemble des activités symboliques qui relèvent du domaine cognitif (réflexion, analyse, conceptualisation) ;
  • l’aire de Déjerine, spécialisée dans la phonétisation (prononciation) et de l’écrit plus tard.

Or l’IRMF révèle que le bilingue précoce apprend sa seconde langue en sollicitant la même aire de Broca que celle construite en langue première. Tandis qu’après l’âge du langage, l’enfant doit se construire une 2ème aire de Broca à côté de la première.

Ce qui, dans l’image obtenue, donne une aire de Broca élargie chez le bilingue avec une zone centrale commune aux deux langues et deux sous-aires pour les acquis propres à chaque langue. Et à fur et à mesure que la maîtrise de la deuxième langue atteint le niveau de la langue maternelle, les deux aires se recouvrent.

A noter qu’une recherche récente du « Wellcome Department of Imaging Neuroscience » de Londres a révélé que les bilingues précoces avaient une structure neuronale plus dense que les monolingues ou que ceux qui ont appris une langue étrangère plus tard. Et on suppose non sans raison que cette relation entre la densité neuronale et certaines aptitudes linguistiques sont également bénéfiques pour d’autres apprentissages

Effectivement les retombées positives sur l’apprentissage de la langue maternelle, des mathématiques et d’autres langues ont été mises en évidence par de nombreuses recherches concordantes. Ce qui compte pour les apprentissages précoces, ce n’est pas la vitesse d’acquisition mais leur valeur formatrice qui grâce à leur ancrage et leur profondeur faciliteront les apprentissages ultérieurs.

A signaler également que les facultés acquisitionnelles pour une bonne prononciation sont à leur zénith pendant l’âge du langage.

L’appareil phonatoire est encore très souple et les enfants sont capables de reproduire les sons nouveaux sans beaucoup de difficultés et surtout sans gêne, ce qui ne sera plus le cas quand ils apprendront une autre langue plus tard . Pour profiter de cet « état de grâce phonétique », il est impératif que les modèles proposés aux élèves soient les meilleurs possibles

Avant 7 ans, c’est une entrée directe en langues à la faveur des « câblages » premiers, donc il est permis de parler d’acquisition spontanée en situation, non volontaire et non pédagogiquement structurée.

Après sept ans, il s’agit d’un détour par la langue maternelle pour en mobiliser les « câblages» en vue de la construction consciente, volontaire et structurée d’un nouveau code indépendant de la construction proprement dite du langage. Là, il devient préférable de parler d’apprentissage.

Bien entendu, la précocité seule n’est pas une garantie absolue pour assurer la réussite d’une scolarité, mais elle en constitue un gage solide.

Lire la suite mercredi prochain…

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